La peau, le dedans , le dehors.
La peau, le dedans , le dehors.
La peau : « membrane recouvrant le corps de l’homme et des animaux, et aussi enveloppe qui couvre les plantes, les fruits, les légumes ». (littré)
Bon, çà c’est la définition qu’on trouve dans les dictionnaires. Définition qui nous amène déjà à deux réflexions : Le corps , c’est pas la peau (et inversement), et la peau sépare le corps (qui est à l’intérieur), du reste du monde (qui est à l’extérieur).
J’aime bien les dictionnaires, chaque mot est à sa place, bien rangé, c’est simple et rassurant.
Mais là, je suis quand même un peu embêté. Je suis embêté car je viens de mettre mon doigt dans mon nez, ce qui en soit est déjà embêtant à raconter. Mais surtout, en faisant ce geste, j’ai pris acte que d’une part, la peau est trouée, et que d’autre part, il m’est bien difficile de décider ou s’arrête ma peau et ou commence mon corps. L’intérieur de ma narine ne m’ayant pas semblé d’une nature bien différente de l’extérieur de mon nez.
Et en laissant mon esprit s’aventurer plus en profondeur, un vertige m’a saisi : Pensez donc, à l’intérieur des poumons, 20 millions d’alvéoles (ces petits sacs qui permettent les échanges gazeux entre l’air et l’organisme) pour une surface étalée de 100 M2. Tout d’un coup, la surface de ma peau, initialement d’environ 2 M2, s’en est retrouvée quelque peu augmentée… Le nez, la bouche (surface cumulée de l’appareil digestif : environ 250 M2), les yeux. Ensuite, le reste suit, et nous rentrons dans l’intime.
Je suis creux. Zut ! Moi qui me croyais plein, mon moral en prends un coup. C’est comme si, partant de l’image conforme à la définition de la peau du dictionnaire, une grande membrane avec moi à l’intérieur, j’avais aspiré vers l’intérieur l’immense majorité de cette peau, en ne gardant que quelques orifices visibles à l’extérieur. L’intérieur de mon corps est non seulement creux, c’est aussi une zone d’échanges permanente avec l’extérieur.
Mais alors si l’extérieur est à l’intérieur de moi, qui suis-je ? Car là, ce n’est plus le vertige qui me saisit, c’est une terreur qui s’installe. Fermez les écoutilles ! Plus personne ne sort !
Et ma peau elle-même, elle est toute trouée, avec ces fameux pores qui lui permettent de respirer, d’éliminer ses déchets, de réguler la température par la transpiration.
Bon, heureusement, il reste l’ADN. D’accord, c’est minuscule, mais en même temps, c’est scientifiquement prouvé que l’ADN, c’est moi. Même la police s’en sert, c’est pour dire que c’est du sérieux !
Sauf que à l’intérieur, désolé de vous le dire, il y a pleins d’étrangers : Dans le ventre, environ 2 kilos de bactéries, et les bactéries, non seulement c’est pas notre ADN, mais en plus, c’est bien connu, c’est sale et çà sent mauvais. Elles sont indispensables à notre survie. Sur la surface de la peau, même tableau : Mille milliards de bactéries, des acariens, des champigons…Et les mitochondries, vous connaissez ? Les mitochondries sont de petits organites (environ 1micromètre de longueur) essentiels dans les processus énergétiques cellulaires. L'ensemble des réactions qui fournit de l'énergie au sein de la mitochondrie constitue la respiration cellulaire. Elles contiennent de nombreuses enzymes et possèdent leur propre A.D.N. Contrairement aux bactéries qui sont très moches, elles sont assez mignonnes comme l’image qui illustre cet article le montre.
Donc même au cœur de mes cellules, il y aurait des bestioles (mignonnes, certes) qui ne sont pas moi, qui n’ont pas mon ADN.
Première conclusion : Je ne sais plus qui je suis, ou plutôt je sais que je ne suis que mécanismes d’échanges ou l’idée de personnalité se perd dans la richesse des mouvement entre dehors et dedans.
Avec cette conscience émergente d’un dedans qui est aussi dehors, et d’un dehors qui est aussi dedans. Une autre manière d’être sens dessus-dessous, et de rentrer de plein pied dans la vision chinoise de l’être humain, avec la notion de Yin-Yang en filigrane.
Alors, merci à la pratique qui nous met sens dessus-dessous?
Yves Lorand