Chong Mai (le méridien d’assaut)

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Chong Mai (le méridien d’assaut)

Chong Mai (le méridien d’assaut) et Shengren (l’homme de vertu et de sagesse).

Shengren reste proche du dao, il a compris que sa véritable identité se confond avec le dao qu’il imite, que c’est grâce à l’union avec le dao qu’il obtient la véritable connaissance (clairvoyance, éveil, illumination), une vitalité et une santé débordantes.

L’homme ordinaire est au contraire convaincu qu’il doit développer son ego qui le dirige et le protège, cet ego qu’il considère bien trop précieux pour être confié au dao. Il croit à tort qu’en s’éloignant du dao il s’occupe mieux de ses propres intérêts et qu’en agissant sur you (le monde concret, palpable, matériel, dualiste et multiple), il arrive mieux à agir sur le monde et à être satisfait.

Selon Lao Zi la vraie connaissance ne s’acquiert que par la pratique spirituelle, et le maître taoïste se méfie des savants qui produisent des souffrances et des maladies, conséquence de leur science :

“Celui qui connaît n’est pas savant, le savant ne connaît pas” (Verset 81).

Lao Zi, Shengren par excellence, nous livre des connaissances qui permettent de mieux comprendre le rôle de chongmai. Le dao est comparé avec un tourbillon profond qui est vide (chong 沖) dans son milieu sans jamais se remplir, mais qui en même temps produit un courant pressant (chong 沖) qui se manifeste autour du centre vide et qui crée les dix mille êtres et leur donne forme, entretient la forme et la fonction, maintient une harmonie entre les êtres et entre les parties de chaque être, et assure que chaque être reste une unité.

Le caractère Chong.

Le caractère chong 沖 signifie en même temps vide, creux – et se précipiter contre (comme un courant violent), heurter, se heurter. Chong s’écrit tantôt沖, tantôt冲, association de deux caractères "glace et centre" ou "eau et centre". L’idée est vraisemblablement qu’au milieu de la glace ou de l’eau il y a un grand vide, mais aussi une forte pression. Aussi bien l’eau (la glace) que le centre sont yin, mais le yin au maximum (le vide) se transforme en yang (un courant pressant).

Le dao en lui est l’axe central vide entre la tête (le Ciel) et le périnée / bas-ventre ou les pieds (la Terre), et à partir de cet axe est émis un courant violent chongqi qui crée l’harmonie et l’unité entre toutes les parties. Comme dans le macrocosme, l’axe céleste (tianshu) qui relie le Ciel et la Terre et dont le vide correspond à l’unité du Dao, crée dans l’homme sa partie Ciel et Terre sous forme de tête et bas-ventre ou pieds, mais aussi sous forme de dumai et renmai. En réalité c’est le Chongqi qui se différencie en yang, Ciel, Du Mai et yin, Terre, Renmai, et c’est le Chongqi cherchant l’harmonie du juste milieu, qui explique que yang au maximum se transmute en yin et que yin au maximum se transmute en yang.

Chongmai, Taijiquan et bouddhisme tibétain..

Le rôle central de chongmai est confirmé par des maîtres de qigong et de taijiquan. Ils s’appuient sur les valeurs traditionnelles authentiques et une connaissance intégrée à un vécu. Dans la pratique du taijiquan il y a une interaction entre les mouvements des membres et l’axe central de chongmai, et le but final est de débloquer ce vaisseau pour révéler le dao dans le grand vide de l’axe. A ce moment-là, le qi part du périnée, jaillit comme un immense jet d’eau, retombe ensuite comme une enveloppe autour du corps et rentre dans le corps par les plantes des pieds yongquan (1Rein) pour se réunir de nouveau au périnée. Afin de débloquer chongmai le pratiquant doit consciemment faire le retour vers l’état de nouveau-né, il doit d’abord développer beaucoup de yuanqi (qi originel) à partir de l’essence de la mère à guanyuan (4RM), puis il doit grâce à ce yuanqi développer une grande puissance spirituelle à baihui où sont déposés le shen (esprit) provenant de l’essence du père. Une grande différence de potentiel entre le pôle yang rempli de shen en haut de la tête et le pôle yin rempli de qi en bas du ventre facilite le passage du courant dans chongmai. Ce retour au dao dans l’axe central est également un phénomène naturel à la mort qui ramène toute chose à son point de départ.

Pour les maîtres du bouddhisme tantrique du Tibet. Il existe dans l’homme un canal central parallèle à la colonne vertébrale qui seul contient des souffles purs (souffles de sagesse), tous les autres canaux contiennent des souffles impurs qui activent des schémas de pensée négatifs et dualistes. Au moment de la conception, l’essence du père et de la mère se rencontrent, attirant la conscience du futur enfant. Durant le développement du fœtus, l’essence blanche du père se repose dans le chakra au sommet de la tête, au-dessus du canal central, et l’essence rouge de la mère demeure dans le chakra que l’on situe 3 doigts au-dessous du nombril. Le yogi peut par la force de la méditation faire pénétrer les souffles dans le canal central et obtenir l’expérience d’éveil.

Commentaires et synthèse sur le rôle de chongmai

Le dao crée le chongqi dans l’axe central chongmai qui relie deux pôles yang et yin : le Ciel en haut et la Terre en bas, en analogie avec l’axe céleste tianshu.

Le rôle central de chongmai est souligné par le fait que le premier chapitre de Su Wen le mentionne : la puberté et la fécondité arrivent quand taichong est florissant, la ménopause et la dégradation du corps ont lieu quand taichong est faible et tout petit. Cet élan du chongqi chez l’adolescent se manifeste comme un courant pressant ou violent de passion et de fougue, le jeune qui cherche sa place au carrefour du monde peut facilement heurter son entourage quand il part à l’assaut.

C’est aussi le moment de recherche d’unification avec le dao, avec soi-même ou avec l’autre.

On comprend que chongmai ne possède pas de points propres et de croisements avec d’autres Méridiens, car les relations avec le dao ne sont pas visibles et pourtant le dao est au centre de tout. Chongmai est la source invisible de dumai et renmai dans le vide des orifices de l’anus et de la bouche. Dans le grand vide de tout le tube digestif est engendré un courant pressant descendant qui transporte la nourriture dans le sens opposé du courant ascendant de chongmai.

En conclusion, chongmai doit garder son rôle unificateur, ce qui n’empêche pas de l’utiliser dans ses indications modernes. En remontant aux sources de l’acupuncture, surtout par l’étude des anciens noms des points en relation avec chongmai, nous pouvons atteindre une véritable connaissance de ce merveilleux vaisseau.

(D’après Henning Strom)

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