Le ciel dans le qigong
« Toucher le ciel, se connecter au ciel, prendre l’énergie du ciel… »
Le « ciel » est omniprésent dans les pratiques énergétiques chinoises. Alors, un état des lieux s’impose !
Dans toutes les civilisations anciennes, et celle de la Chine ne fait pas exception, l’astronomie a eu très tôt un rôle important. Ainsi, dans la Chine ancienne, la première mention d’une éclipse du soleil remonte à plus de 4000 ans. Le besoin de régler le temps, notamment pour les rythmes agricoles, a très vite rendu nécessaire le développement d’une véritable science astronomique au service des gouvernants. Les astronomes étaient responsable de l’établissement d’un almanach annuel, rendant compte des mouvements du soleil, de la lune, des planètes et des constellations. Mais ils avaient aussi à prévoir les événements exceptionnels - éclipses, comètes, taches solaires… – ainsi que leur signification pour l’empereur. Car, ce faisant, prévoir à l’avance ces événements renforçait le lien divin de l’empereur avec le ciel.
Les chinois utilisent un calendrier basé sur les phases de la lune.
Les 4 animaux mythiques (Dragon, Phoenix, Tigre et Tortue) sont depuis les temps les plus reculés associés aux 4 points cardinaux et aux 4 saisons. Sur l’écliptique (c'est-à-dire le plan de l’équateur céleste, qui est lui-même la projection dans le ciel de l’équateur terrestre) sont situées 28 constellations, soit 7 par saisons, correspondantes aux 28 jours que met la lune pour les parcourir. Quand aux saisons, elles sont déterminées, sous nos latitudes, par la direction ou se trouve le « manche » de la Grande Ourse en début de nuit: vers le bas, solstice d’hiver, vers la gauche, équinoxe d’automne, vers le haut, solstice d’été et vers la droite, équinoxe de printemps. Les chinois appellent la Grande Ourse « Bei Dou北斗 », ce qui signifie « boisseau du nord ». Le terme boisseau fait référence à la forme de casserole (ou de grande cuillère) de cette constellation, qui est la 8eme des 28 constellations de l’astronomie (ou astrologie) chinoise. Notons qu’aux Etats unis, le terme utilisé pour désigner cette constellation est « the big dipper », c'est-à-dire également « la grande cuillère ».
Pour les anciens chinois, et cela vaut toujours dans les pratiques de qigong, le ciel a la forme d’un grand bol renversé, d’une voûte sur laquelle sont situées les étoile et au centre de laquelle se trouve l’étoile polaire, la seule étoile immobile, celle qui semble la plus élevée, au sommet du ciel. On lui donne le nom de « Taiji 太极 », le « faîte suprême », d’où d’ailleurs le nom Taiji Quan, boxe du faîte suprême. Elle porte également le nom de « Tai yi 太一 » le Un suprême, une autre manière de nommer le Dao. L’étoile polaire est, dans l’hémisphère nord, toujours visible, contrairement à la plupart des étoiles qui disparaissent une partie de l’année. Insensible au mouvement, insensible aux changements, elle est donc le symbole parfait de l’empereur. Autour de l’étoile polaire, tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, le ciel étoilé décrit une complète révolution au cours d’une année. La grande ourse, avec ses 7 étoiles brillantes est la constellation la plus proche de l’étoile polaire, et ce n’est pas un hasard si dans la chine ancienne, l’empereur avait 7 ministres gravitant autour de lui ! L’étoile polaire génère un mouvement qui met en rotation les 7 étoiles de la « main céleste » que forme la grande ourse, laquelle à son tour entraine les myriades d’étoiles du ciel.
De la même manière, l’empereur, au centre de « l’empire du milieu », par l’intermédiaire de ses sept ministres, dirige toute la Chine. Quand aux taoïstes, ils considèrent les 7 étoiles de la grande ourse (auxquels ils peuvent associer Vega et l’étoile polaire, ou bien deux étoiles très proches d’Alkaïd ou de Mizar, les étoiles situées au bout du manche, pour porter à 9 ce nombre) comme le siège céleste des dieux. Les taoïstes pensent par ailleurs que la déesse Dou Mu 斗母 est la mère de la Grande ourse. Elle est la personnification de la lumière et de l’aube. Aussi, en qigong, la Grande ourse est elle utilisée comme un réservoir d’énergie céleste, ou de lumière cosmique. Dou Mu 斗母 est invoquée en tant que guérisseuse par le biais de visualisations lors des pratiques de qigong. Elle est également invoquée pour aider les accouchements. La légende dit qu’il y a très longtemps, une grande reine s’était engagée à donner naissance à des enfants qui aideraient à propager le Dao. Un beau jour de printemps, elle se baignait dans un étang lorsque soudainement, elle sentie quelque chose bouger en elle et 9 boutons de fleur de lotus apparurent à la surface. En s’ouvrant, ils laissèrent voir chacun une étoile, qui appartenaient à la constellation de la Grande ourse. Par la suite, cette reine fut déifiée et elle fut nommée mère du boisseau, Dou Mu.
La première étoile de la grande ourse, Dubhe, serait le siège de Dou Mu, la déesse guérisseuse. Selon un texte de Juan Li, elle irradie une lumière jaune qui protège le pratiquant et l’aide à développer l’énergie du cœur, amour et respect profond.
La deuxième étoile, Merak, irradie une lumière bleue qui renforce l’énergie des poumons. Elle développe le courage et le calme dans toutes les situations. La troisième étoile, Phekda, irradie une lumière blanche qui renforce foie-vésicule biliaire. Générosité, ouverture, partage sont ses attributs.
La quatrième étoile s’appelle Megrez. Sa lumière blanche subtile est en lien avec la rate. Sentiment associé de possibilités et de potentialités infinies.
Alioth, la cinquiéme étoile, irradie une forte lumière blanche en lien avec l’organe estomac. Intégration et assimilation des expériences vécues sont renforcées. La sixième étoile, Mizar, est une étoile double, la deuxième s’appelle Alcor. Elles sont en liens avec les reins. Sa lumière blanche renforce la confiance en soi et dissipe la peur. Enfin, Alkaid, la septième étoile, préside la partie inférieure du corps et la connexion avec la terre. Elle est invoquée lors des pratiques de développement de chaleur interne par les ermites taoïstes vivant dans les montagnes.
Ceci dit, l’étoile polaire, qui préside au canal central de la terre ainsi qu’à celui de tous les êtres vivant dans l’hémisphère nord, est l’énergie céleste clé de la création. Les taoïstes commencent donc toujours les pratiques avec les étoiles en se connectant consciemment à l’étoile polaire. Nous verrons dans un prochain article quelques pratiques de qigong en lien direct avec l’étoile polaire et la grande ourse.
Yves Lorand