Histoire du Qigong. Première partie.

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Histoire du Qigong. Première partie.

Histoire du Qigong. Première partie.

Avant la révolution culturelle.

« Qigong » est un terme récent, apparu dans les années 60-70, qui regroupe sous un terme générique les anciennes pratiques corporelles et spirituelles chinoises. Selon la médecine chinoise le « Qi » (énergie vitale) anime toutes choses. « Gong » signifie ici « la méthode ». Les deux caractères du terme « Qigong » peuvent donc être rendus par « méthode de l’énergie vitale ».

Etablir un historique du Qigong n’est pas chose aisée, d’abord parce que son existence est rapportée aussi loin que les vestiges de notre humanité remontent, et ensuite parce que ses méthodes les plus profondes ont toujours été transmises secrètement, un maître n’enseignant qu’à un ou quelques disciples les principes de son école. Il n’a commencé à être popularisé et largement transmis qu’il y a une quarantaine d’années. L’ésotérisme de la transmission de beaucoup de méthodes de Qigong tient sans doute à la visée spirituelle fondamentale de celui-ci. Dans la Chine antique, les « pratiquants » bien souvent se retiraient du monde pendant de longues années pour se purifier par l’ascèse et la méditation. La mystique chinoise abonde d’histoires de pratiquants entrant en réclusion pour méditer, harmoniser leur « souffle », et atteindre l’Eveil.

L’origine la plus lointaine du Qigong reste donc peu claire. Certains spécialistes considèrent, d’après des découvertes archéologiques, qu’il aurait plus de 5000 ans d’histoire, précédant de beaucoup l’apparition des religions. On a retrouvé des descriptions d’exercices physiques gravées dans la pierre, et les premiers idéogrammes chinois – écrits sur des écailles de tortue – étaient porteurs de notions religieuses. Le “Yi Jing” (livre des mutations, 1122 avant JC), qui introduit le concept de trois énergies, terrestre, céleste et humaine est également le témoin de l’existence, dans la lointaine antiquité chinoise, de la notion de forces naturelles avec lesquelles l’homme pouvait, par une pratique adaptée, s’harmoniser.

On peut trouver dans les écrits du sage Lao Zi, (VIème siècle avant J.C), des indications plus précises sur le « travail interne », ce que les taoïstes ont ensuite appelé « l’alchimie intérieure ». Lao Zi, dans son classique « Dao De Jing » (Ecrit sur la Voie et la Vertu) mentionnait le travail sur le “souffle” comme moyen d’arriver à l’équilibre interne. De nombreux autres écrits taoïstes parlent de « nourrir la vie » et d’harmonisation du corps et de l’esprit comme moyen d’obtention de « la Voie ». Dans les différents classiques taoïstes, le corps humain, considéré comme un microcosme, est un « monde » que la pratique physique et spirituelle peut « raffiner », « nourrir », « faire retourner à l’origine (fan ben gui zhen) » L’harmonisation de l’homme avec la nature et avec l’Univers y est une notion centrale.

Il est souvent supposé que le Qigong connut un essor particulier pendant la dynastie Han (-206 +220). Comme l’ascèse du Yoga en Inde, son but était de faire échapper l’homme au cycle des réincarnations. Les historiens pensent qu’à cette époque des méthodes bouddhistes ésotériques se transmirent en Chine, et que les Qigong bouddhistes et taoïstes étaient déjà largement pratiqués, non seulement par les moines dans les temples, mais aussi par des ermites et par quelques personnes du monde séculaire, le point commun étant la transmission à une élite. Les maîtres enseignaient les théories profondes du Qigong, de manière ésotérique et, dans le contexte de l’époque, sous des appellations à forte connotation religieuse : « Grande Voie du Dan d’or à neuf tours », « Loi d’Arhat (luo han fa) », « Grande voie de la bouddhéité (xiu fo da fa) »…

En parallèle à ce développement, hors des temples, les savants et les médecins commençaient à entreprendre l’étude des aspects thérapeutiques du Qigong. Pendant la dynastie Jin au 3ème siècle après JC, à la même époque où le célèbre médecin Hua Tuo commença à utiliser l’acupuncture comme anesthésique lors des opérations chirurgicales, on vit mentionner dans les écrits du médecin Bian Que ainsi que dans ceux, au quatrième siècle, du philosophe taoïste Zhuang Zi, l’existence d’un lien entre « souffle » et état de santé.

A cette même époque où certaines formes de Qigong devinrent accessibles au sein de la société chinoise, celui-ci devint une des branches de la médecine chinoise. Les pratiques de Qigong semblent donc avoir été transmises de deux manières, l’une exotérique, en tant que science médicale, l’autre ésotérique, comme voie spirituelle.

Un événement fréquemment mentionné par les historiens du Qigong est l’arrivée du moine Bodhidharma au temple de Shaolin : pendant la dynastie Liang (502-557), Bodhidharma, le fondateur du bouddhisme Chan (connu sous le nom de Zen au Japon) enseigna aux moines bouddhistes de ce temple les premières techniques corporelles. La légende dit que c’est leur faiblesse physique qui encouragea Bodhidharma à leur enseigner le Qigong. Après 9 années de méditation dans une grotte, Bodhidharma passe pour avoir écrit deux recueils, l’un appelé « classique sur le travail des tendons et des muscles (yi jin jing) » et l’autre appelé « classique sur l’épuration du cerveau et de la moelle (xi sui jing ) ». Le premier était un enseignement principalement physique. Le second, transmis de façon ésotérique, enseignait d’après certains une voie d’obtention de l’éveil. Plus tard, les moines de Shaolin devinrent célèbres pour leur maîtrise des arts martiaux, ce qui constitue la dernière forme du Qigong. Le Qigong des arts martiaux, au contraire des méthodes internes, insiste sur une pratique énergique par des mouvements, sur le développement de la résistance et de la puissance physique. Une des méthodes les plus célèbres a été popularisée par le général Yue Fei, dans les dernières années de la dynastie Song (1127-1279). Il s’agit de ce qui est appelé l’exercice des « 8 pièces de brocart »

Enfin, pendant la dynastie Ming, Zhang San-Feng (1317-1420), un ermite taoïste, transmit la méthode connue sous le nom de Taijiquan (ou Tai Chi Chuan). Cette forme de Qigong taoïste insistait sur le travail interne, par des mouvements souples et de la méditation. Elle a connu différentes évolutions au cours du temps, donnant naissance à différents styles et différentes écoles qui se sont transmises jusqu’à aujourd’hui, et dont la partie gymnique nous est connue sous le nom de « Tai Chi ».

L’antiquité chinoise a donc vu le développement de nombreuses méthodes de pratique, certaines principalement méditatives et ayant pour but principal l’élévation spirituelle, d’autres martiales, et quelques unes thérapeutiques, intégrées à la médecine traditionnelle chinoise. L’histoire chinoise est remplie de récits semi-mythiques sur les exploits des « pratiquants » des différentes époques, et on ne peut que tomber d’accord avec Suzanne Bernard quand elle écrit : « le Qigong représente la base de la culture chinoise, c’est « l’âme » de la Chine. Depuis des millénaires, on vit, on respire en Chine dans un monde fabuleux, extraordinaire pour un Occidental ».

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