Nourrir les reins
Nourrir les reins
L’hiver arrive, il importe donc, et tout particulièrement pendant cette saison, de s’attacher à preserver le Jing des reins et de nourrir Ming Men…
Dans le qigong, l’on s’attache en premier lieu à renforcer l’énergie dans l’abdomen (le Dan Tian). Toutefois, pour atteindre un niveau de développement supérieur, il est utile de regarder plus loin. Le Ming Men (situé au milieu du bas du dos, un point essentiel en physiologie traditionnelle chinoise), que l’on traduit par « porte de vie, ou porte de la destinée », détient le véritable Yin et Yang du corps à partir duquel toutes les fonctions et substances du corps dépendent.
Parallèlement au concept de Yin-Yang, un autre principe fondamental de la médecine chinoise est celui des « trois trésors ». A savoir le Jing (l’essence), le Qi (l’energie) et le Shen (l’esprit). Pour comprendre Ming Men, les concepts de Jing et de Qi sont primordiaux. Le Jing est la substance la plus fondamentale du corps. Il est stocké dans les reins, gouverne la croissance, le développement et la reproduction, ainsi que le fonctionnement au niveau les plus profonds des réserves d’énergie. Lorsqu’elle est mobilisée, la fonction du Jing peut être divisée en « rein yin » et « rein yang ». Lesquels nourrissent le Yin et le Yang de tous les organes du corps. Le Jing génère le Qi.
La plupart des pratiquants de tai chi et de qigong ont une bonne appréhension du Qi. De manière pratique, le Qi peut être compris à travers ses manifestations et ses fonctions. Les cinq fonctions du Qi sont de réchauffer, faire circuler, défendre, contenir et transformer. L’analyse de ces fonctions donne un aperçu du niveau et de la qualité du Qi et permet à un pratiquant d’évaluer les schémas causant les déséquilibres. Bien que différents types de Qi peuvent être répertoriés, ils sont tous fondamentalement tributaire du Yuan Qi (le qi originel), qui trouve son origine dans les reins. Selon une définition traditionnelle, Ming Men, est la somme des deux reins. Dans ce contexte, cela englobe le yin (fonctions de rafraichir, réguler, nourrir, humidifier…) et le yang (fonctions de réchauffer, activer, déplacer, sécher…) de tout le corps.
Quoique présente dans tout le corps, la fonction Yang de Ming Men est particulièrement visible dans le processus de la digestion. En médecine traditionnelle chinoise, la force de la digestion dépend du « feu digestif ». Si le feu digestif est fort, la nourriture absorbée est facilement transformée en énergie et en sang. Mais trop de Yang peut causer de la constipation. A l’inverse, si le Yang de Ming Men est faible, il ne peut fournir la chaleur nécessaire à la digestion et les aliments ne sont pas correctement transformés. Cela se manifeste par des ballonnements, de la diarrhée et autres signes de faiblesse digestive. Traditionnellement, les aspects Yang de Ming Men ont été mis en avant. Pourtant, le Yin originel est aussi enraciné dans Ming Men. C’est particulièrement significatif dans la carence de Yin qui est assez commune dans nos pays industrialisés. Cela se manifeste par une sensation conjointe de fatigue et d’excitation, de l’insomnie, un sommeil agité, des sensations de chaleur qui apparaissent en fin de journée. Pour contrebalancer cette tendance, il faut tonifier le Yin originel de Ming Men, maintenir l’énergie dans le bas du corps et dégager la chaleur qui s’est élevé dans le haut du corps.
Pour renforcer Ming Men, on distingue généralement deux méthodes, ou selon les Taoïstes « élixirs » : élixirs interne ou travail énergétique (qigong), élixirs externes ou traitements médicinaux (phytothérapie). L’approche idéale reposant sur la combinaison des deux, et conduisant à la santé physique, mentale et spirituelle.
La plupart des exercices de qigong renforcent Ming Men, quoique souvent indirectement. Deux des principales méthodes pour tonifier Ming Men consistent à guider le Qi au Dan Tian, dans l’abdomen, et aux points Yong Quan, sous la plante des pieds.
Lorsqu’un flot important de Qi est généré et guidé dans le Dantian, il revient naturellement au Ming Men. Là, il peut être stocké en tant que Jing, dans les reins, ou bien activé pour une utilisation immédiate. Ceci est particulièrement à l’œuvre dans les postures statiques (zhan zhuang gong), accompagnées de profondes respirations et l’attention porté au DanTian.
Une autre méthode consiste à guider le Qi aux points Yong Quan. De là, l’energie remonte au point Ming Men, pour être stocké ou activée. Dans cette catégorie entrent beaucoup de qigong en mouvements, lorsqu’ils sont effectués lentement, en respirant calmement et en portant son attention aux points Yong Quan, sous la plante des pieds.
Lorsque l’on guide le Qi au Dan Tian, ou aux Yong Quan, il est important de le faire sans trop se concentrer, avec au contraire l’idée que cela se fera d’autant mieux si l’on laisse faire. Un peu comme lorsqu’on conduit une voiture, il n’y a pas besoin de s’agripper au volant pour tourner ou de serrer les fesses pour freiner…Trop d’attention peut restreindre le flot d’énergie et ralentir les progrès. Enfin, pour finir, suivre les indications et recommandations de votre enseignant peut sembler aller de soi, alors que ce n’est pas toujours le cas, loin s’en faut…Surtout lorsque les mouvements semblent simples, il est si tentant de partir à la dérive !
Le Ming Men peut également être stimulé, en complément des pratiques internes, en frottant le bas du dos avec les mains, pendant quelques minutes, et ce à plusieurs reprises en cours de journée.
En ce qui concerne la phytothérapie, il semble évident que seul un praticien expérimenté peut prescrire les compléments adaptés à la situation de chacun.
Les « elixirs externes » susceptibles de renforcer Ming Men se classent en deux catégories : Yin et Yang. En général, il y a une tendance à recourir à priori aux toniques yang, dont le fameux Gingseng…
Cependant, dans nos sociétés occidentales, une majorité de personnes ont plutôt besoin de remèdes yin, pour calmer, nourrir et restaurer. Il y a en effet plutôt déficience de yin, et c’est en renforçant le yin, que le phytothérapeute va rééquilibrer le yang souvent en excès. Se méfier donc des cures de « toniques » pour passer l’hiver, comme si cela allait de soi… ! Dans le doute, autant s’abstenir, ou bien consulter une personne compétente…
Personnellement, j’ai une méthode « de grand-mère » que j’utilise régulièrement pour passer tranquillement l’hiver : Un bon bain de pieds d’eau (salée) bien chaude dans une bassine, suivi d’un massage de la plante des pieds…Pas très « glamour », je reconnais, mais agréable et efficace !
Yves Lorand