Y a-t-il un pilote dans l’avion ?
Y a-t-il un pilote dans l’avion ?
Ou bien : Est-ce que quelqu’un tire les ficelles ? (version longue…) ; Allo ! Non, mais allo, quoi ! (version courte…)
Gardons la version longue !
Pour être honnête, l’image d’un marionnettiste au dessus de moi a pendant longtemps nourrit ma pratique corporelle. Concrètement, çà veut dire que j’appliquais ce que j’avais entendu (ou cru entendre.. ?) au cours de mes années de formation, à savoir : « imaginez que vous êtes suspendus, comme tenus par des fils, tout le corps est détendu, etc.… » Consciencieusement, donc, j’ai tenté de me « détendre » sur la base de tels principes, hérités, transmis et déformés par la migration qui s’est opérée depuis la chine vers l’occident, lorsque les aléas politiques ont contraints (tant mieux pour nous) les praticiens de qi gong (anciennement dao yin) à migrer vers des contrées plus accueillantes.
Cependant, et ce n’est un secret pour personne, les chinois et nous, on n’est pas pareils.
Tenez, par exemple, je suis un chinois qui écrit une lettre. Eh bien je vais mettre sur l’enveloppe : Pays, Ville, Quartier, Rue, Numéro, Monsieur ou Mme Untel, et ceci dans cet ordre. En ce qui nous concerne, nous faisons tout l’inverse ! Autrement dit, quand les chinois vont du général au particulier, nous allons du particulier au général.
Quand les chinois nous disent : Tenir la tête comme suspendue au ciel par un fil, nous entendons qu’un marionnettiste nous tire par un fil auquel notre tête est attachée. Du particulier (nous, notre tête), au général (le marionnettiste). C'est-à-dire un mouvement, une tension, du BAS vers le HAUT !
Alors que nous devrions entendre, car c’est ce que les chinois nous disent : Tenir la tête comme suspendue au ciel par un fil. Un point, c’est tout ! Du général au particulier, un mouvement, une détente, du HAUT vers le BAS !
Et sans doute n’y a-t-il pas de marionnettiste au dessus de notre tête, car c’est notre tête elle-même qui tient ce rôle. Et très précisément un point, situé au sommet du crâne, que les chinois nomment : Bai Hui, les cents réunions. Comme si de ce point partaient les fils, les canaux, les méridiens qui nous meuvent et nous animent.
Il y a longtemps, (mais est ce si lointain.. ?) nous flottions dans l’espace, uniquement reliés par un cordon à notre vaisseau nourricier.
Puis, en un instant, une chute, une déchirure, et la lumière.
La lumière, partout, tout autour, insupportable et pourtant notre nouvelle, notre seule nourriture.
Tel le petit vaisseau Philae largué sur la comète, nous avons, n’ayant pas pu au moment de l’atterrissage nous ancrer dans le sol, rebondit. Nous avons fait quelques sauts, incertains, sous l’œil de Rosetta, du ventre de laquelle nous étions sortis. Suivis par le regard confiant de nos concepteurs à des millions de kilomètres de là. Et puis, après quelques soubresauts, nous avons trouvé notre place, certes un peu bancal, pas à l’endroit prévu, mais stable quand même, posé sur nos pieds, prêt à réaliser ce pour quoi nous fûmes crées.
Et en entendant le grand soupir de soulagement, la profonde satisfaction de toute l’équipe de scientifiques au moment ou Philae s’est enfin posé sur sa comète (çà vous fait pas penser à l’histoire du petit prince... ?), j’aime à penser qu’une pratique et un enseignement qui prends sa source dans un ressenti corporel plus que dans un savoir intellectuel est digne de confiance comme l’est une maison bâtie sur de solides fondations.
Puissions-nous arrêter de sursauter à chaque tintement de sonnette !
Yves Lorand