Physiologie de la respiration
Physiologie de la respiration
La respiration est une fonction qui, habituellement automatique, peut être conduite de façon contrôlée ; elle constitue alors une des interfaces entre activités spontanée ou volontaire...
Elle représente également une interface entre dedans et dehors (son mouvement se déploie en profondeur mais reste visible de l’extérieur ; l’air échangé circule entre un espace interne et l’espace extérieur ; son alternance ouverture/fermeture soutient une dynamique de relation…) ; interface entre locomoteur et viscéral, elle est en interaction permanente avec les posture et mobilités quotidiennes du corps et permet d’assurer une physiologie d’ordre cellulaire ; interface encore entre action musculaire et relâchement, entre tonicité et détente…
Dans sa dynamique, elle fait le lien entre le haut et le bas (espaces thoracique et abdominal) ; elle est directement concernée par toute manifestation d’ordre émotionnel / affectif (et en gardera souvent les empreintes…) et sert de support, dans la phonation, à l’un des modes essentiels de la relation: Le langage.
Son mouvement est fait de l’alternance inspire / expire, selon les modes dits « de repos » ou« amplifié », en fonction des nécessités de la ventilation et des échanges gazeux.
L’ensemble du cycle respiratoire est décrit ci après selon ses phases essentielles.
Ce cheminement ne tient pas compte de la multitude des variations et adaptations des différents paramètres (volumes, pressions, états musculaires etc…), et ne représente en aucune manière une « bonne façon de respirer » ; il ne peut servir que d’axe de référence global.
De très nombreux facteurs, voire des contraintes, vont interférer avec l’acte respiratoire, qu’il s’agisse de l’action globale du moment ou de la posture ; de l’environnement aérien ou de l’attitude psychique ; de l’état affectif ou de l’organisation tonique chronique, etc…
La liberté d’adaptation serait basée sur une disponibilité articulaire et sur la finesse de coordination des muscles concernés ainsi que sur la capacité à mettre en œuvre et développer chacune des séquences évoquées dans cette description et de les laisser s’accorder en fonction des besoins du moment.
1 Inspiration
Ouverture thoracique, entrée de l’air dans les poumons…
Elle est essentiellement active sur le plan musculaire…, mais le facteur d’élasticité des côtes et des poumons, en particulier à la suite d’une expire profonde, peut représenter une dynamique d’ouverture non négligeable s’ajoutant à cette action musculaire...
1.1 Mode « de repos »
Il correspond à une respiration « quotidienne » ou ordinaire, d’amplitude modérée, avec action essentielle du diaphragme, en deux temps :
• phase « abdominale »
La contraction des fibres musculaires (rayonnantes…) du diaphragme se traduit par un abaissement de son centre phrénique, avec aplatissement de la coupole, créant ainsi une dépression au niveau thoracique et l’appel d’air dans les poumons.
Ce mouvement de « descente » du diaphragme (en réalité, plutôt aplatissement de la coupole) a pour conséquence la poussée des viscères abdominaux vers le bas et, si la ceinture abdominale est normalement souple, il provoque le « gonflement » du ventre (attention : il convient de rappeler qu’en dépit de ce terme - trompeur - de « gonflement » il n’y a pas d’air entrant dans l’espace abdominal !...).
Cette phase de descente du centre phrénique réalise une première ouverture thoracique par le fond du thorax, vers le bas.
• phase « thoracique »
Dans cette étape, le centre phrénique va être stabilisé afin que les fibres musculaires, poursuivant leur contraction, engagent l’élévation des côtes basses sur lesquelles elles sont insérées, permettant l’ouverture en largeur de la partie inférieure du thorax. Le relais est ensuite pris par les intercostaux externes et les surcostaux (élévateurs des côtes) pour poursuivre l’ouverture thoracique avec l’élévation, en finale, des côtes supérieures.
Le centre phrénique ne peut devenir « point fixe » qu’en prenant appui sur la masse viscérale, elle même contenue par la sangle abdominale ; celle-ci doit donc être tonique pour offrir cette résistance nécessaire à ce deuxième temps d’action du diaphragme.
Le diaphragme fonctionne donc en « opposition / synergie » avec la sangle abdominale (principalement le transverse) qui doit être tonique et « élastique »…
• si les abdominaux sont trop contractés , ils empêchent la descente du centre phrénique et l’ouverture abdominale ; la respiration reste costale essentiellement.
• si les abdominaux sont trop relâchés, le centre phrénique ne trouve pas d’appui pour déclencher l’ouverture costale ; la respiration reste principalement abdominale.
Dans l’une ou l’autre de ces deux situations, l’efficacité du diaphragme est incomplète et l’ouverture respiratoire reste limitée.
...une limitation du mouvement même de descente du diaphragme peut, par ailleurs, être la conséquence d’un raccourcissement du fascia profond...
Par son action et grâce à sa mobilité, le diaphragme assure la fonction vitale de la respiration. Il participe, plus occasionnellement, aux fonctions statiques ou de mouvement ainsi qu’aux fonctions d’excrétion ; il joue également un rôle dans des évènements tels que la toux, le rire, les pleurs, mais surtout, il participe de façon essentielle à la phonation. Il est alors sollicité ici de façon plus « contrôlée », dans une action coordonnée à celle de la respiration, la fonction automatique de la ventilation restant toutefois prioritaire.
[ par ailleurs, outre la fonction de ventilation, l’action du diaphragme est tout à fait importante dans :
— le retour veineux (action de pompe…)
— le massage des viscères (aide au transit)]
1.2 Mode « amplifié »
Dans le but d’augmenter la ventilation, avec des volumes d’échange plus importants, l’action du diaphragme est relayée et complétée par celle des muscles inspirateurs accessoires, dont le recrutement dépend des nécessités de mobilité et des possibilité de stabilisation des différentes structures :
— grand pectoral, grand dentelé et grand dorsal amplifient l’ouverture costale basse et moyenne, latéralement surtout,
— petit pectoral, scalène, petit dentelé postéro-sup., sterno-cléido-mastoïdien amplifient l’ouverture du thorax dans sa partie haute surtout, en antéropostérieur.
Cette action des inspirateurs accessoires doit donc s’appuyer sur celle du diaphragme ; or, très fréquemment, pour compenser une perte d’efficacité de ce dernier, les inspirateurs accessoires sont utilisés de façon permanente et non plus secondaire seulement ; l’ouverture thoracique d’inspire reste alors essentiellement haute et des tensions s’installent dans cette musculature, recrutée de façon excessive, et qui ne peut alors rester suffisamment disponible pour assurer sa fonction locomotrice ; les régions cervicale et ceintures scapulaires, du fait de ces tensions, perdent de leur mobilité…(la morphologie thoracique est ici plutôt celle de l’état d’inspire, en ouverture plus ou moins rigidifiée, avec une position haute des épaules et des tensions supplémentaires souvent importantes dans les trapèzes supérieurs...)
2 Expiration
Elle consiste en la fermeture de l’espace thoracique, l’air ressortant des poumons qui se « vident »…
L’expiration peut se faire en deux phases, selon l’amplitude et surtout selon le mode passif ou actif…
2.1 Expiration passive
Elle correspondrait à une expire « de repos », avec volume expulsé modéré…
En fait, tous les muscles inspirateurs, qui s’étaient contractés pour faire l’ouverture thoracique, se relâchent… ; le thorax se referme alors passivement avec abaissement des côtes par les effets d’élasticité pulmonaire (retour de l’« étirement ») et costale (détorsion) ainsi que celui de la gravité.
Le diaphragme, bien sûr, se relâche également et reprend sa forme plus concave avec la remontée du centre phrénique. Dans la réalité « clinique », les tensions sont souvent telles que ce mouvement de relâchement du diaphragme devient insuffisant, mais il est aussi fréquent de constater que le réajustement d’une représentation mentale adéquate de ce mouvement réouvre un accès vers la détente.
[ une erreur fréquente de représentation du mouvement diaphragmatique vient de la confusion de celui-ci avec le mouvement costal qui lui est inversé ; les côtes montent quand le diaphragme descend… et vice versa…]
La fin de cette phase d’expiration / détente correspond au point neutre / de repos de la respiration avec retour au relâchement musculaire complet et état d’équilibre des pressions internes et des contraintes en étirement des différentes structures (contenant thoracique et poumons). L’apnée qui suit représente alors un temps privilégié de détente.
2.2 Expiration active ou profonde
Elle permet d’augmenter le volume ou la puissance de l’expire.
A l’inverse de l’étape précédente, qu’elle prolonge et intensifie, cette phase requiert certaines actions musculaires qui vont accentuer la refermeture thoracique et permettre une expulsion plus complète de l’air (bien que celle-ci ne soit jamais totale, il reste toujours un « volume résiduel » d’air dans les poumons).
Cette seconde étape d’expire se fait de façon progressive, en deux temps principaux (tout à fait liés dans une continuité d’actions et non réellement successifs) :
• fermeture active du thorax : par la contraction des expirateurs costaux [intercostaux internes (intercostaux intimes), triangulaire du sternum (transverse du thorax), petits dentelés (dentelés) postéro-inférieurs, grands obliques (obliques ext.) et carrés des lombes] qui accentuent la fermeture des côtes basses, dans les trois directions de l’espace.
• serrage de la sangle abdominale : l’action des obliques se situe en phase intermédiaire et appartient aussi bien à l’étape thoracique qu’à l’étape abdominale de fermeture. Cette contraction est accompagnée et soutenue par celle du transverse, essentielle ; elles repoussent alors la masse viscérale vers le haut et font remonter davantage le diaphragme dans l’espace thoracique, augmentant ainsi la pression intra-thoracique pour compléter l’expulsion d’air des poumons. Cette contraction du transverse doit être soutenue plus particulièrement au niveau de sa partie inférieure, entre nombril et pubis, afin d’orienter plus précisément le mouvement de « remontée » de la masse abdominale et d’éviter une pression descendante trop importante vers le petit bassin.
[ en ce qui concerne la tonicité abdominale, tout travail de « musculation » devrait être fait en respectant la physiologie du muscle concerné : le faire travailler dans ses paramètres d’action et selon sa fonction… ; le renforcement musculaire des abdominaux devrait alors se faire essentiellement dans et par l’activation de la phase d’expiration profonde… et non pas seulement « en même temps que l’expire »…]
La synchronisation de ces deux moments entre eux et avec la phase « passive » doit pouvoir être modulée en fonction des conditions ou des objectifs (le soutient de l’émission du souffle dans la voix, par exemple, exige parfois une expiration active en même temps que la rétention ou le contrôle de la détente des inspirateurs ; la solidarisation du tronc comme appui pour le développement d’un effort important combine descente du diaphragme et serrage abdominal…).
Ce temps d’expiration profonde peut mettre en place des actions musculaires intenses, au cours desquelles le tissu pulmonaire ainsi que les structures osseuses du gril costal sont amenés dans des compressions relativement importantes ; le seul relâchement de cette action musculaire, en libérant ce « ressort » côtes/poumon, peut devenir déclencheur de l’inspiration suivante, de qualité alors« passive » pour ce bref instant d’initiation de l’ouverture.
L’observation de ces différents moments respiratoires, quelles qu’en soient les variations et combinaisons, met en évidence une nécessaire « complicité » entre le diaphragme et la sangle abdominale.
Le muscle transverse particulièrement, outre sa fonction de contention abdominale et son rôle dans l’activité posturale, a une action puissante d’expirateur mais permet aussi de moduler, en fonction de ses tonicités, la mobilité du diaphragme, dans une véritable « synergie ».
Complicité essentielle à l’acte respiratoire, entre le diaphragme et le transverse… :
— le transverse, véritable « centre » musculaire de la posture et de l’enracinement…,
— le diaphragme, carrefour des chaînes de mouvement et centre dynamique ; au cœur de l’acte relationnel de la respiration ; des affects et émotions…
Par ailleurs, dans le déroulement du mouvement respiratoire sont présentes toutes les qualités toniques possibles, toutes les nuances de la dynamique corporelle globale… [ action / détente / élan / résistance…]
Le mouvement de la respiration concerne la globalité du corps et représente le premier échange qui mobilise l’individu dans son milieu ; l’interdépendance entre mobilités squelettique et respiratoire, de par leur mise en œuvre par des musculatures communes, permet que, pour être plus « organique », tout mouvement corporel d’ordre général puisse être façonné en s’originant dans celui de la respiration…
D'après "Anatomie fonctionnelle - Agnès Servant-Laval"