De la régularité dans la pratique…
De la régularité dans la pratique…
Pratiquer quotidiennement ! Mais sans faire d’efforts… Nous voici donc déjà face à un des paradoxes auquel nous sommes confrontés lorsque nous nous engageons sur la voie du qigong.
Et en effet, que répondre face à un élève qui nous dit en substance : « J’voudrais bien, mais j’peux point !.. » Rien, si ce n’est « montrer l’exemple », et faire entendre ces mots : « écoute ce que ton cœur te dit ! »
Sur cette « énergie » qui vient du cœur, que les chinois nomment le « YI », je vous livre quelques extraits d’un article que Gerard Edde à publié en 2011 :
Notons également que le terme « daoyin » utilisé dans cet article est le terme ancien pour désigner le qigong, mot apparu récemment pendant la révolution culturelle chinoise.
Réflexions sur le YI :
L'idéogramme Yi signifie simplement « sens, intention, désir, idée, opinion… », sa traduction varie énormément selon les intérêts de chacun. On trouve ainsi des traductions qui semblent éloignées de l'origine telles que: intellect, volonté, concentration, visualisation etc...
Un proverbe chinois montre bien la présence d'une ambiguïté présente dans le mot même:
« Toute opinion (Yi) est un mélange de vérité et d'erreur ».
La médecine chinoise est encore plus précise: on attribue au Yi les fonctions suivantes: Mémorisation, concentration, capacité à étudier…
Toutes ces fonctions sont intimement liées à l'état du Qi et du sang (Xue) et de nombreux textes médicaux insistent sur le fait qu'une Rate faible engendre une difficulté à penser clairement. De même, la présence de « Xue » humide pathogène (alimentation trop crue ou trop grasse par exemple) peut aussi engendrer une stagnation de la Rate. Nous retrouvons cette idée dans la médecine ayurvédique où le feu digestif (Agni) est intimement lié au « feu de la pensée » donnant ce proverbe: « digestion lente, faible capacité de réflexion ».
La stagnation digestive semble ainsi liée à la stagnation mentale. Cette observation nous amène aussitôt à une question cruciale concernant la pratique du Qigong: « Est-il favorable ou nuisible de se concentrer sur le Xia Dan Tian (le ventre…) et de quelle façon doit-on pratiquer? »….
Une Rate en bon fonctionnement produit une digestion rapide et un transport rapide des nutriments vers les tissus alimentant ainsi le Sang (Xue) et le Qi (Gu Qi).
Une Rate malade, au contraire fabrique des toxines qui donneront le « flegme » (Tan Yin) qui se déposera dans les endroits peu irrigués du corps. De même, des pensées « stagnantes » obsessionnelles accompagneront ce phénomène.
On remarque ici le danger à se concentrer de manière compulsive ou obsessionnelle sur un endroit du corps comme par exemple le Dan Tian. C'est pourquoi les taoïstes emploient souvent des expressions comme « se concentrer sans se concentrer », « observer sans regarder » ou « entendre sans écouter », de manière à éviter une fixation de la pensée qui pourrait devenir une arme à double tranchant.
Application du Yi dans le Qi Gong
En effet, il semble indispensable dans la pratique du Qigong de ne pas se focaliser uniquement sur le « Yi », mais de faire entrer en jeu d'autres fonctions psychiques telles que le Hun (la créativité), le Po (la sensation instinctive ) et la continuité dans l'effort (les Reins). L'ensemble de ces fonctions est bien sûr sous l'égide du Shen, grand rassembleur des consciences et ouverture à l'« universel ».
Le Yi va donc servir de pôle central, de centre qui permettra aux énergies du Ciel et de la Terre (axe vertical) de se rencontrer et aux énergies antagonistes du Tigre (Po - Poumons - tribal) et Dragon (Hun spirituel - Foie - individualiste) de s'unir de manière productive.
Dans les anciens textes de Daoyin, il est précisé que: « La douleur fait progresser l'humain: cette douleur est perçue par le Po, elle est ensuite intellectualisée par le Hun et elle est enfin mémorisée par le Yi ».
Il est dit aussi qu'un Yi excessif, congestionné nous conduit à une difficulté à s'extraire du passé, tandis qu'un Yi déficient mène à la distraction, à la confusion et à la difficulté à mémoriser...
Il est également écrit que la pratique du Daoyin conduit à une ouverture d'esprit propice à la connaissance au sens spirituel du terme, c'est à dire à la capacité d'intégrer les expériences du passé sans déclencher de ressassement obsessionnel.
Pour les taoïstes, le Yi combiné au Po et au Hun provoque une combinaison heureuse prompte à améliorer la concentration, mais aussi l'imagination créatrice (Hun) et la perception instinctive des organes internes (Po). On emploie alors l'expression « Zi Yi » ou « vision pénétrante » proche de la notion bouddhiste de « Vipassana » ou « éveil libérateur ».
Exemples pratiques d'utilisation erronée du Yi
Le processus de concentration est extrêmement puissant, c'est pourquoi les anciens ont toujours mis en garde contre l'utilisation excessive du Yi. Dans certaines écoles taoïstes (Longmen), on va même jusqu'à conseiller de suivre le Qi par la pensée (Yi), mais de ne pas le conduire, ni le précéder.
Cette « paresse » volontaire montre une volonté de rester « naturel » et d'éviter de violenter les énergies, afin de ne pas déclencher d'effets secondaires nocifs pour la santé physique et mentale.
Par exemple, nous connaissons tous des élèves trop zélés qui pratiquent le Qi Gong ou la Taiji de manière « obsessionnelle » comme si leur vie en dépendait. Ils pratiquent souvent avec une rare intensité dans la concentration ou dans la durée.
Les symptômes ne se font pas attendre:
- Difficulté à trouver le sommeil
- Sensation de chaleur à la tête
- Augmentation des émotions conflictuelles (irritabilité, colère)
- Palpitations
- Cauchemars et « voyages astraux » (sic…)
- « Transfert » et adulation du professeur.
Tout cela peut se révéler inoffensif, mais la prudence est de mise. Un peu de pratique assise et de perception du souffle naturel (particulièrement de l'expiration) et tout rentrera dans l'ordre.
Au contraire, le manque de présence du Yi se présentera sous la forme d'un élève lunatique, distrait ayant du mal à « visualiser ».