Song, se détendre…

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Song, se détendre…

Song, se détendre…

Le caractère chinois song 松que l’on retrouve dans la première strophe du poème du zhi neng qigong : xing song 形松, le corps détendu, est au centre de toute les pratiques internes chinoises. Il signifie détendu, souple, relâché.

Le caractère song (en écriture traditionnelle…) est composé de deux indications sémantiques intéressantes : D’une part de longs cheveux défaits qui tombent, dénoués et relâchés, et d’autre part un arbre, le pin.

Le pin toujours vert est symbole de longévité. On retrouve le pin associé au champignon lingzhi 灵芝et à la grue鹤en tant que symbole de longévité. Il est aussi symbole de sagesse.

Une légende veut que sa sève se change en ambre dès que le pin atteint ses mille ans ! On dit aussi que s’il est planté autour des tombes, le conifère éloigne le wangxiang 罔象 (ou fangliang 方良), une créature maléfique qui a la fâcheuse habitude de dévorer le foie ou le cerveau des défunts…

Les cheveux longs (asiatiques…) qui tombent sont souples mais également doués de structure, on parle dans ce cas de résilience (c'est-à-dire l'aptitude d'un corps à résister aux chocs et à reprendre sa structure initiale…). Prenez un cheveu et posez-le sur une table, il garde sa forme, ce qui n’est pas le cas d’un spaghetti trop cuit. Une chevelure défaite peut donc ainsi être détendue tout en gardant sa structure, sa tenue.

Le pin de son coté nous évoque deux images : celle d’un tronc solide qui s’élève vers le ciel, tout en ayant ses racines ancrées dans le sol, et des branches souples qui s’attachent sur celui-ci. On connait bien en taiji-qigong le principe des pieds enracinés et du sommet du crâne tenu vers le ciel. Le bon placement du bassin par notamment la détente de muscles profonds va permettre à l’enracinement dans le sol d’être transmis au sacrum et à toute la colonne vertébrale. C’est la fameuse ouverture du mingmen… En haut, le passage des cervicales au crâne est conditionné par de nombreux positionnements corrects : détendre et ouvrir en sont les clés. Mais les freins aussi sont multiples : tout le vécu de la personne y est inscrit avec toutes les implications respiratoires et émotionnelles associées. Ouvrir le dos, détendre la poitrine, dégager les aisselles, rentrer légèrement le menton… Tout ceci pour permettre au tronc de notre arbre corporel de s’élancer vers le ciel ! Quand à l’image des branches du pin, elle nous ramène à nos membres, souples, détendus, et toniques.

Il existerait un lien entre les membres et la colonne vertébrale : aux épaules et aux hanches correspond la zone sacro-lombaire, aux coudes et genoux la région dorsale et aux poignets et chevilles la zone des cervicales. C’est du moins ainsi que j’en ai été instruit au cours d’un séminaire il y a moins d’un mois. D’un autre coté l’on peut aussi dire (comme le fait J.L.Saby dans son livre Yi Yin Fa…) qu’aux mains correspondent le sacrum, aux poignets les lombaires, aux coudes les dorsales et aux épaules les cervicales… De mon coté, je vous invite à cette expérience toute simple : assis tranquillement, faites toucher les bouts des pouces avec les bouts de chaque doigt successivement. Vous constaterez que votre respiration se place naturellement dans le bas ventre lorsque vous touchez les auriculaires, dans la zone de l’estomac en touchant les annulaires, la poitrine avec les majeurs et les clavicules avec les index. Notre corps est un instrument de musique et chaque partie une touche de notre piano intérieur. Car en fait, il existe un lien entre toutes les parties du corps. Dans son Traité sur le Taijiquan, Zhang Sanfeng nous indique : « Dès le moindre mouvement, le corps entier doit être léger et agile, et toutes ses parties reliées. »

Toutes les parties du corps reliées… Toutes les cellules du corps (les liquides organiques, le sang, le microbiote, de manière plus lâche, certes…) sont reliées entre elles par les tissus conjonctifs, un système qui connecte chaque cellule a ses voisines par un réseau à la fois résistant et flexible. Côtoyer l’état de song reviendrait donc à la faculté que nous aurions de nous reposer sur notre tissu conjonctif. Les tendons, les fascias, les membranes forment en effet à travers tout le corps un réseau continu et englobant les os, les muscles, les organes.

Aussi, si dans une première approche, il peut être utile de penser le corps comme un ensemble de parties se reposant les unes sur les autres afin de créer un ensemble stable et dynamique, il convient, et l’expérience sensible des mouvements du qigong nous y amène inéluctablement, de percevoir cette cohésion jusqu’au plus intime de nos cellules, reliées qu’elles sont par ce réseau qui les englobe toutes dans un maillage à la fois souple et résistant. Le terme qui me semble traduire au mieux la notion de « song » est donc celui de cohérence, au plus intime de nous même, afin de permettre, lorsque chacune de nos cellules peut se reposer, en toute confiance, sur ses voisines, cette détente, ce relâchement qui sera, qui sait, peut être un jour, le signal précurseur de la mise en œuvre du célèbre principe taoïste : le retour à l’unité…

Yves Lorand

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