SanBao, les trois trésors.
SanBao, les trois trésors.
Les trois trésors sont le Jing (l’essence), le Qi (le souffle) et le Shen (l’esprit). Dans la représentation du corps taoiste, leur siège réside dans les trois DanTian, les trois champs de cinabre. Le Jing réside dans le DanTian inférieur, situé à l’intérieur du ventre, légèrement sous l’ombilic. Le Qi réside dans la région du cœur, là ou se situe le DanTian médian, à l’intérieur de la poitrine. Le Shen réside au niveau de l’espace entre les sourcils, au milieu de la tête, au DanTian supérieur.
Dans le NeiDan, l’alchimie interne taoiste, il s’agira de transformer le Jing en Qi, puis le Qi en Shen, et enfin de raffiner le Shen pour revenir à l’origine, la vacuité.
Dessine-moi une maison !
La maison que je dessine a des fondations qui s’enfoncent dans le sol, comme des jambes. Le plancher du rez de chaussée, qui correspondrait au plancher pelvien, abrite la salle de bain, les toilettes, la cuisine et la salle à manger. Il y a également un poêle qui chauffe la maison et permet de faire la cuisine. A l’étage, le plancher correspond au diaphragme. Il y a les chambres et un bureau. La ceinture scapulaire en forme le plafond. A travers ce plafond un passage permet d’accéder aux combles, sous le toit. Le grenier est un endroit à part entière de la maison, ou les enfants adorent jouer et rêver au milieu des objets et des souvenirs abandonnés là depuis quelquefois fort longtemps.
C’est l’intérieur de notre tête. Sur le toit, lorsque je dessine ma maison, il y a toujours une cheminée, qui correspond au poêle situé tout en bas. Et entre les deux, un conduit qui traverse la maison de bas en haut. Je rajoute une porte, quelques fenêtres, et voilà, le tour est joué, la maison est dessinée.
L’alchimie interne, çà prends longtemps ?
Ben oui, très longtemps, et bien plus encore. D’abord il faut commencer très jeune, puis travailler très dur, et vivre très longtemps, minimum centenaire si vous voyez ce que je veux dire. Et de préférence être un homme bien sûr. Genre vieux sage avec une barbe qui vit dans une caverne avec un bol de riz par jour pour toute nourriture. Autant dire que la mamie qui se met au qigong passé la soixantaine peut se mettre à douter de sa capacité à accéder à la jouissance suprême, le moment où enfin le Shen retourne à la vacuité.
Car cette alchimie, c’est un peu scolaire, non ? A l’école primaire, je transforme le Jing en Qi. Au lycée, cycle secondaire, je transforme le Qi en Shen, à l’université, j’arrive à la maîtrise et peut enfin purifier le Shen pour retourner à la vacuité. Bac plus douze, c’est quand même mieux que Bepc. Et oui, dans le monde du qigong aussi, on n’échappe pas à ces vieux schémas. Cà fait combien de temps que tu fais du qigong ? Quinze ans ?! Pfff, moi çà fait bientôt trente ans que je pratique ! (sous entendu t’es un gros nul…Je n’invente pas, c’est du vécu !)
Or, nous savons bien que l’accès à la connaissance n’est jamais le fruit du labeur, mais est pure fulgurance. Nous savons bien que rien ne pourra jamais prédire de ce qu’il adviendra à la seconde qui suit. Et que nos velléités de connaissances ne sont que matière à nous rassurer.
Oui, nous savons que l’expérience de la vacuité (lumière, joie, amour, où une autre façon de formuler les trois trésors…) est immédiate, imprévisible et totalement irraisonnable. Jamais laborieuse.
De la respiration
En qigong, nous « travaillons » la respiration. Probablement nous ne faisons que cela.
La respiration est complète, l’inspir prends son appui en bas pour se développer dans sa verticalité, puis arrivé en haut laisse le léger s’élever pendant que sur l’expir le lourd redescend. Alternance de l’inspir et de l’expir, cycle de la respiration, temps et lieu de notre alchimie interne ?
Début de l’inspir, phase abdominale, périnée et transverse toniques, le diaphragme exerce une pression vers le bas. Le Jing se transforme en Qi. Milieu de l’inspir, phase thoracique, expansion, le Qi se transforme en Shen. Fin de l’inspir, sous claviculaire, ce qui est monté suivant l’axe central se déverse sur les épaules comme de l’eau qui ruisselle, pendant que, profitant du passage de la gorge ouverte et détendue, « quelque chose » monte, éclaircissant la vision, et s’envole vers l’azur. Le Shen est purifié et retourne à la vacuité.
La respiration complète, lieu de l’alchimie interne ? La question est posée...
Yves Lorand