Se reposer…
Se reposer…
Ou en chinois : Xiuxi… Bon, ben, notez bien qu’en matière de repos, on s’en fiche un peu des chinois ! Se reposer, quoi de plus simple, il suffit de rien faire, style galette sur la plage, ou la version « bobo écolo » chaise inconfortable et festival de Jazz à M… Se reposer, ne rien faire, quoi de plus simple ! Quoique que… Ben oui, il y a les enfants (ou les petits enfants !), les travaux en retard à la maison, tout ce qu’on n’a pas eu le temps de faire pendant qu’on « travaillait ! », bref, débordé !
Pourtant, se reposer ! Se poser à nouveau ! Mais au fait, çà remonte à quand, quand je me suis « posé(e) ». Pas le temps ! Débordé !
Et si ce n’était pas une question de quand, ou de comment, mais plus une question d’où ? Où se poser ? A quel endroit ? Et c’est là que le qigong revient nous visiter. Car le qigong, c’est du dedans, c’est de l’interne, eh oui! Parce que se poser dehors, par les temps qui courent, crainte et dangerosité ! Alors que se poser dedans, quel confort ! Quel réconfort ! Car dedans, par notre pratique, nous avons intégré les étoiles, le ciel, la nature, le vivant, la terre et la profondeur de la terre.
Pour en revenir au chinois, Xiuxi –se reposer- s’écrit avec deux caractères. Le premier, Xiu, représente à gauche un être humain, une personne, et à droite un arbre, comme ceci : 休
Le premier sens de ce caractère est : Cesser, s’arrêter, prendre fin. Le deuxième, justement est : Se reposer. Comme souvent en chinois, on lui adjoint un deuxième caractère de sens équivalent ou complémentaire afin de créer un « mot » de deux syllabes, plus facilement identifiable. Le caractère Xi : 息 signifie donc aussi : Se reposer, cesser, mais également en tant que substantif il prend le sens de « souffle, haleine » mais aussi « nouvelles, informations ». En bas du caractère, on a la représentation du cœur, et au dessus la « clé » qui est associée à l’idée de « soi-même ». Et donc, lorsque un chinois pense au repos, il se représente lui-même tel un arbre soutenu par un cœur qui bat, ou peut-être adossé à cet arbre, avec sous ses pieds la pulsation de la terre sur laquelle il se pose.
Mais combien sommes-nous à ne pas connaître le repos. Combien sommes-nous - faute de n’avoir su trouver un lieu ou se poser, un endroit ou s’appuyer - à être sans repos. « Auprès de mon arbre, je vivais heureux, j’aurais jamais du m’éloigner d’mon arbre… » Chante G.Brassens. Car oui, ce n’est pas l’arbre qui s’éloigne de nous ! L’arbre par nature est enraciné profondément dans la terre, il ne se déplace pas. Pour nous reposer, il nous faut donc intégrer en nous cet arbre. La fameuse « posture de l’arbre - zhan zhuang » nous y invite. Et pourtant, combien sommes-nous à la pratiquer avec plaisir et régularité ! C’est sans aucun doute parce que nous n’avons pas su encore trouver en nous cet endroit ou nous poser.
Ce repos que nous aspirons de nos vœux n’est pas ce faux repos que l’on associe aux vacances, trêve estivale oblige. Quel vilain mot d’ailleurs que celui de « vacances » lorsque nous aspirons à toujours plus de présence, à plus de plénitude. Sans doute est ce là que nous faisons fausse route puisque nous associons repos à absence : chaque nuit le sommeil et à la fin de la vie, le repos éternel ! Tout apprenti à la méditation le sait ; le premier obstacle à franchir est l’assoupissement qui survient inévitablement dans la pratique. Or, rester éveillé dans le repos est le chemin vers cet état d’ouverture active qui dans son stade ultime s’appelle justement « l’éveil ». Que ce soit dans la méditation assise, ou dans la posture zhan zhuang, il s’agit bien de trouver le repos sans s’oublier. Très vite aussi, des douleurs, des tensions apparaissent. Elles sont autant de signaux de nos difficultés à nous reposer. Aussi, l’apprentissage, dans un cours de qigong par exemple, va consister à visiter en nous des endroits possibles ou nous pourrions nous poser afin de relâcher ces tensions, afin de nous reposer. Nous avons un squelette à cet effet, et des diaphragmes, des planchers, des palais, souples mais résistants, pour tendre vers cet objectif.
Pourtant, nous le savons, l’appui véritable, le seul qui importe, jamais comblé car la demande est insatiable et l’offre toujours insuffisante, cet appui que nous cherchons en permanence dans le théâtre de nos vies, cet appui est là, au fond de notre cœur : « On ne peut jamais se reposer sur l'amour - et c'est pourtant sur lui que tout repose. » (Jean Rostand)
C’est à partir de lui que nous devrions, jours après jours, nous construire ou plutôt nous re-construire, pour trouver le repos, ici et maintenant, dans notre vie. Et c’est dans cet état d’esprit que la pratique quotidienne de la méditation assise et du « zhan zhuang gong », qui sont vraiment les « fondamentaux » du qigong, nous transfigurera, bien plus surement que quelques moulinets de bras ou « exercices » en tous genres. Se poser, se reposer, oui! Mais à l’image du caractère « Xi », c’est sur notre cœur que nous devrions le faire. Le cœur comme point d’appui, afin de réapprendre à s’aimer, car c’est par là que tout commence, et que tout se termine. Et il y a fort à faire…
Yves Lorand