Zhongkui et les signes dans la main.
Les différentes manières de disposer les doigts des mains, pour former des « signes des mains », (shou yin 手印 ) sont utilisés pour déclencher et renforcer les connections entre qi externe et interne en stimulant certaines parties de la main et des doigts. On trouve souvent également le terme « mudra » pour définir ces pratiques dans le cadre du qigong, bien que ce soit là un terme appartenant au yoga et à la tradition indienne. Les signes de la main trouvent leur origine dans le bouddhisme, alors que dans le taoïsme, l’on va plutôt parler de « positions des doigts », (en chinois qia jue 掐诀) qui prends ici le sens de compter sur ses doigts, en général en lien avec la récitation d’incantations. En effet, que ce soit dans le bouddhisme ou le taoïsme, les moines ont toujours considéré que les signes faits avec les mains étaient doués d’un pouvoir magique voire divin. Ils servaient notamment à se protéger des fantômes (gui 鬼 ) et autres mauvais esprits, mais aussi à l’inverse à appeler et convoquer les immortels (xian 仙) et les êtres surnaturels. Pour ces raisons, ces pratiques étaient tenues secrètes et transmises uniquement lors des initiations et l’apprentissage de certains rituels.
Cependant, de nombreux qigong « modernes » utilisent ces techniques de position des mains, sans qu’il soit fait référence à ces pratiques magiques ou religieuses. Il s’agit simplement d’établir des connections au sein de la main qui seront d’ordre énergétique, symbolique ou à la limite, holistique.
Dans le cadre du zhineng qigong, ces « mudras » font partie d’un des éléments clé de la 3eme méthode (wu yuan zhuang 五元庄), avec les sons et les visualisations.
Plusieurs systèmes coexistent :
Les zang 脏 (organes) et les fu 服 (viscères) ont leurs correspondances au niveau de la main. Les extrémités des doigts sont en lien aux organes comme ceci : Pouce – Rate ; Index – Foie ; Majeur – Cœur ; Annulaire – Poumons ; Auriculaire – Reins. La base des doigts, autrement dit la première phalange est reliée aux viscères correspondantes : soit dans l’ordre : Estomac ; vésicule biliaire ; intestin grêle ; gros intestin et vessie. Restent à placer le Péricarde, 2eme phalange du majeur et les Trois foyers sur la 2eme phalange de l’annulaire. Voici pour les 12 organes/viscères. Ce système est utilisé pour les signes des mains dans le zhineng qigong. A la base, deux méthodes existent : Premièrement, en pressant le doigt concerné sur le point se rapportant un organe (zang) en lien avec la pratique. Deuxièmement, en fermant tous les doigts à l’exception de celui concerné par l’organe en lien avec la pratique.
Les 12 « branches terrestres» (shi er di zhi 十二地支) qui sont dans l’ordre : zi 子,chou 丑, yin 寅,mao 卯,chen 辰 , si 巳, wu 午, wei 未, shen 申, you 酉, xu 戌 et hai 亥. Elles étaient notamment traditionnellement utilisées pour identifier les 12 mois de l’année et les 12 périodes de deux heures qui constituent une journée.
Le cycle des 12 animaux (rat, buffle, tigre, lapin, dragon, serpent, cheval, chèvre, singe, coq, chien, cochon), est une variante du cycle des 12 branches terrestres. Le cycle des 12 di zhi en se combinant avec le cycle des 10 troncs célestes (shi tian gan 十天干) forme le cycle sexagésimal de 60 ans.
Ainsi, depuis le 28 Janvier 2017, nous sommes en année ding/you 丁酉, ding correspond au quatrième « tronc céleste » en lien avec l’élément feu et you la dixième branche céleste en lien avec l’énergie shao yin. Autrement dit bonne année du coq de feu ! Dans la main, la ligne à la racine de l’annulaire correspond à zi, celle à la racine du majeur à chou, et ainsi de suite…
L’on voit donc que dans ce système, ou le pouce est libre, l’on peut toucher avec le bout du pouce chacun des 12 points. C’est ce qui est fait lors de certaines incantations taoïstes. L’on retrouve aussi cette façon de procéder pour certains « mudra » à l’œuvre dans de nombreux qigong. Par exemple, dans les « marches des 5 organes », quand on vient toucher le point zi avec le bout du pouce sur la marche foie-rate.
Les « 9 palais » est un système qui concerne les phalanges (et non pas les lignes comme précédemment) des trois doigts index-majeur-annulaire. Bien qu’il symbolise les 8 points cardinaux auquel s’ajoute le centre, il est également utilisé comme système annexe de référence en qigong. A noter qu’il forme un carré « magique » de nombres, puisqu’en additionnant chaque ligne, colonne ou diagonale, l’on obtient toujours le nombre 15.
Les « 24 étoiles » de la main correspondent elles aux 24 articulations de la main. C’est une spirale qui partant du poignet à l’articulation du pouce va aboutir au dernier point situé à la deuxième articulation du majeur, au centre de la main.
L’on voit donc à travers ces quelques exemples que selon les systèmes, les correspondances entre les différentes zones de la main diffèrent. Il faut en effet tenir compte des différentes approches (MTC, bouddhiste, taoïste, géomancie…). Et savoir que du coup, qu’elle que soit la pratique mise en œuvre, l’on trouvera toujours un système, et quelquefois plusieurs pour expliquer l’usage d’un mudra…
Le cas du pouce sur le point zhongkui dans le zhineng qigong en est un bon exemple :
« -La théorie des méridiens nous indique que le pouce est relié aux poumons et le majeur au maitre-cœur. Le poumon gouverne le Qi et le cœur gouverne le sang, donc le mudra met en relation le qi et le sang.
-Pour la théorie des organes internes, le pouce appartient à Rate-Pancréas et le milieu du majeur au Maitre-cœur. La rate gouverne le mental et le maitre-cœur gouverne l’esprit (shen) ; le mudra relie donc le mental et l’esprit et les mène à la stabilité, aide le Qi à rentrer dans le corps et en même temps permet au Qi interne de s’élever.
-Dans le système des 9 palais et des 24 étoiles, le fait de presser le pouce au centre de la main sur le point zhongkui permet d’ouvrir tous les autres points d’énergie des mains. Cela entraine la retraction du centre de la paume, ce qui va faire rentrer le Qi dans tout le corps. » (D’après Dr Pang Ming, trad. Wei Qi Feng)
Yves Lorand