qigong et religion

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Qigong et religion.

De manière générale, on peut dire que le Qigong est un mélange d’exercices physiques, de méditations et de pratiques de guérison. Cependant, à y regarder de plus près, l’on voit que la plupart des groupes et des pratiques liées au Qigong ont une forme de religion implicite.

D’abord, presque tous les « grands » Qigong proposent un système de référence qui utilise les concepts et théories bouddhistes ou taoïstes. Seuls un petit nombre de pratiques en lien avec les arts martiaux (Wushu) ou les exercices physiques (Ticao) ne revendiquent aucuns éléments d’ordre surnaturel.

Ensuite, la plupart des maîtres de Qigong se réclament être les héritiers d’anciennes lignées soit bouddhistes, soit taoïstes, et affirment avoir été « mandatés »par d’anciens maîtres pour répandre et enseigner le « Gong ».

Enfin, les  pratiques  impliquent souvent des méditations sur des images religieuses ou des principes cosmiques, des récitations de mantra ou de textes sacrés, au sens large du terme.

A cet égard, l’histoire de maître Tian Ruisheng, fondateur du « Xiang gong », le Qigong des parfums, est caractéristique. A l’âge de 12 ans, il tomba gravement malade et sa famille, malgré ses efforts, ne trouvait aucune solution pour le guérir. Un vieux moine bouddhiste, nommé shi wu kong », frappa un soir à la porte pour l’hospitalité. Il proposa de soigner le jeune garçon et de lui enseigner son qigong. Mais le jeune Tian du promettre de garder ce qigong secret pendant 50 ans, car pour le vieux moine, le monde n’était pas encore prêt à le recevoir. En mai 1988, les cinquante années écoulées, Monsieur Tian, qui s’était entrainé en cachette pendant toutes ces années, annonça qu’il allait enseigner le qigong, ce qui surprit tous ceux qui ne le connaissait que comme quelqu’un de très ordinaire. Sa première grande réunion publique réunit 200 malades parmi lesquelles 70 personnes muettes. Dès la première nuit, une personne retrouva la parole. A la fin du séminaire de trente heures, 15 personnes avaient retrouvé la parole et nombreux parmi les malades étaient guéris…

Pour des raisons culturelles et politiques, les maitres et les pratiquants de qigong ont insisté sur le fait qu’ils n’étaient pas religieux, afin de contourner les lois en vigueur en République Populaire de Chine. Cependant, d’une certaine manière, ces pratiques rentrent bien dans le champ des religions « new age », yogas, développement personnel, et toutes les croyances et pratiques occultes telles qu’elles sont perçues en occident.

Entre 1979 et 1999, il y eu des milliers de groupes et de maitres de qigong en activité en Chine. Les groupes les plus réputés devinrent de puissantes entreprises économiques avec des millions d’adeptes. En même temps, ils adoptèrent les termes et les critères scientifiques, de manière à éviter tout lien possible avec la religion. En fait, ce furent des scientifiques  de renom et de haut rang politique qui portèrent la vague du qigong des années 80. Parmi eux Qian Xuesen, le père de l’aérospatiale chinoise et le général Zhang Zhenhuan, chef de la commission des sciences et techniques. Ce dernier dirigea le « conseil de recherche sur le qigong scientifique chinois (qigong kexue yanjin hui) qui donna sa légitimité à de nombreux groupes de qigong.

Avant 1999, en effet, la plupart des groupes de qigong tiraient leur légitimité de leur affiliation soit au « bureau des sports et d’éducation », soit à « l’association des sciences et techniques », qui étaient deux agences gouvernementales. D’autres, d’orientation moins religieuse, voyaient leurs maitres exercer dans les hôpitaux. Cependant, la nature ambigüe des groupes de qigong causa très tôt des dissensions au sein même du pouvoir politique. Les critiques envers les –soi disant- pouvoirs paranormaux des maîtres de qigong fut très vite virulentes. Le groupe appelé « Falun gong », bien qu’apparu tardivement (1992), fut très tôt la cible des critiques du pouvoir. La nature ouvertement religieuse du Falun gong et le charisme de son créateur Li Hongzi trouva rapidement un écho auprès d’une population chinoise réceptive. La répression du gouvernement chinois de 1999 envers ce groupement, suite à une manifestation pacifiste de 10000 adeptes, marqua un tournant décisif dans le monde du qigong en Chine. A la suite de cet événement, tous les autres grands groupes de qigong (zhong gong, xiang gong, zhineng qigong…) furent interdis et dissous. Cependant, avec les millions de pratiquants que comptaient chacune des principales écoles de qigong, l’interdiction ne fut pas capable d’arrêter complètement la pratique. Interdit dans la sphère publique, le qigong devint une pratique cachée. Mais la plupart des adeptes arrêtèrent, et ils furent nombreux à se tourner vers la religion.

Après une pause de plusieurs années, certains groupes de qigong se sont débrouillés pour réapparaitre, avec précaution et quelquefois en changeant de nom. Par exemple, le Guolin Xin Qigong se pratique maintenant dans les parcs sous le nom de « voie du Guolin fitness » (Guolin Jianshen Fa). En 2004, le « qigong axé sur la santé » (Jianshen qigong), qui est dépouillé de toute référence au surnaturel, a regagné un statut juridique sous la supervision du bureau des sports et d’éducation physique chinois.

Toutefois, un défi majeur pour les instances de réglementation consistera à déterminer comment distinguer les maîtres de qigong de santé de ceux à visée spirituelle !

 

Source :  fenggang yang, religion in china: survival and revival under communist rule, oxford university press, 2012.

Yves Lorand

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