Je est un autre...
Je est un autre…
Un cœur qui bat…
Souvenez-vous ! Une maman qui « porte » son bébé. Un papa qui colle son oreille contre le ventre de sa femme. « Je l’entend ! J’entends son cœur ! » Un cœur qui bat ..! Qu’est-ce qu’un enfant dans le ventre de sa mère, si ce n’est un cœur qui bat. Les autres fonctions sont comme en attente, pas encore vraiment activées : tout se passe à travers le nombril, via le cordon ombilical. Pas de pipi-caca, pas d’air qui rentre dans les poumons ni de nourriture par les voies digestives (à l’exception du liquide amniotique). Les oreilles par contre fonctionnent, ainsi que l’odorat, le toucher et le goût. Quelques signaux lumineux, aussi, via les yeux, mais si peu… Les grands perdants, tout de même, ce sont les poumons. Eux ne seront vraiment activés qu’en dernier recours, au moment de la naissance, au premier cri, à la première brûlure. Est-ce de cela que vient cette tristesse, cette nostalgie, qui nous tient, qui nous retient !..
Un cœur qui respire.
« Je est un autre » Comme un leitmotiv qui revient ! Car cela suppose aussi : Un, je suis quelque chose (et non pas rien…), et deux je suis UN, et non pas multiple : Je est UN autre. Mais aussi cela revient à dire que je suis autre que l’idée que je me fais de moi-même ! Ainsi, ni l’approche philosophique (Deleuze), ni l’approche humaniste (Jacquard) ne sont vraiment satisfaisantes. Car derrière ce « UN », il y a bien une dimension ontologique. Après tout, Rimbaud est l’auteur des « Illuminations ». Et sans doute a-t-il vécu a sa manière ce que G.Bataille évoque dans « L’expérience intérieure » : « Mes yeux se sont ouverts, c’est vrai, mais j’aurai du ne rien dire, rester figé comme une bête. Au lieu de cela, j’ai voulu parler, et, doucement, comme semblant ne pas voir, mes yeux se sont fermés… ». Aussi, quand Rimbaud affirme : « Je est un autre », c’est en témoin, en passeur d’expérience, qu’il nous dit, avec ses mots : « Vous n’êtes pas ce que vous croyez être ! » ll préfigure un H.Hesse qui écrira quelques années plus tard : « L’homme se distingue avant tout du reste de la nature par une couche glissante et gélatineuse de mensonge qui l’enveloppe et le protège ».
Un cœur qui s’ouvre…
Non ! Ce n’est pas là le privilège des artistes, des visionnaires, des poètes, des mystiques. Nous avons toutes et tous fait cette expérience. Vous savez, l’émotion ! L’émotion, quelque chose de l’ordre du mouvement, de la respiration. Non pas l’émotion au sens vulgaire du terme, colère, peur, envie, joie… Non, juste l’émotion comme quand je dis : « Je suis ému(e) !.. » L’émotion d’un sourire, d’une rencontre, de l’irruption de la beauté ou tout simplement d’être, de se sentir être, juste là, à ce moment précis, juste là, comme une évidence. L’émotion, comme une « mise en évidence du souffle en nous».
L’émotion, comme une porte qui s’ouvre pour nous permettre de dire enfin : « JE SUIS MOI », tout simplement.
OUF ..! (C’est ce qui s’appelle « tourner autour du pot… »)
Yves Lorand