Qigong et pouvoirs paranormaux 2

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Qigong et pouvoirs paranormaux 2

 S’il y a bien un personnage représentatif de la « vague » qui a déferlé en Chine autour des pouvoirs paranormaux entre les années 1980 et 1995, soit pendant une quinzaine d’années, c’est à n’en pas douter Zhang Baosheng 张宝胜 (1960-2018). Qualifié de « superman », « personne venue des étoiles », « Bouddha vivant », etc, il a bénéficié d’une position bien supérieure à celle d’autres maîtres réputés de Qigong comme Yan Xin ou Zhang Honbao, pourtant tous devenus millionnaires grâce à leurs « super pouvoirs ». Outre la fortune, Zhang Baosheng disposait d’une voiture de luxe, d’une maison et de serviteurs, ce qui était la condition des hauts dirigeants en Chine à l’époque. Sa voiture était équipée d’une sirène qui lui permettait de franchir librement les feux de circulation, et sa serviette contenait un passeport spécial qui lui permettait d’entrer librement dans les lieux de pouvoir.  (Zhang est au centre de la photo)

Pourtant, rien ne prédestinait Zhang à cette haute position. Selon sa biographie officielle, il est né dans l’Anhui de parents très pauvres et a été confié à un couple de Benzi, dans le Liaoming. Son père adoptif était secrétaire du comité du PCC (Parti Communiste Chinois) et sa mère artiste. Après des études primaires, il a exercé le métier de mineur. Cependant, malgré cette situation très ordinaire, il possédait, depuis l’enfance, des capacités étranges : il pouvait, à l’instar de Tang Yu, « lire avec son nez », voir à travers le corps des gens et il était capable de déplacer des objets dans des contenants fermés sans les toucher. Cette faculté aurait été découverte à la fin des années 70 alors que Zhang  travaillait encore à la mine. La police municipale recourut à ses services pour résoudre des cas criminels et l’Hôpital de médecine chinoise fit appel à lui pour « voir » à travers le corps des patients.

       Au printemps 1982, Zhang a été invité par la société chinoise des sciences somatiques à Pékin afin de montrer ses pouvoirs extraordinaires. Par la suite, les dirigeants du PCC ont entendu parler de lui et se sont montrés intéressés. Zhang, décrit comme charismatique, a gagné très vite la confiance des hauts fonctionnaires. Invité chez Ye Jianying, qui a orchestré le renversement de la « bande des quatre » après la chute de Mao Zedong, il a pu lire des caractères écrits sur des papiers pliés. Puis, Ye étant tombé malade d’une maladie respiratoire, Zhang aurait fait sortir des mucosités de sa poitrine en utilisant le Qi, lui permettant de respirer plus facilement.

      Ses capacités supranormales ayant étés considérées utilisables à des fins militaires, le 2 Juin 1983, Zhang Baosheng est officiellement transféré à l’institut 507 avec l’approbation de la Commission des sciences et d’industrie de la défense nationale chinoise. Dès lors, Zhang devient le favori des militaires. Parallèlement, il se déplace pour donner traitements et démonstrations de Qigong aux dignitaires politiques et aux célébrités, couvrant ainsi toutes les régions de la Chine et de Hong Kong. Introduit par Xu Jiatun, alors directuer de la branche Hongkongaise de l’agence de presse Xinhua, l’organe suprême du PCC à Hong Kong, il fréquente des magnats tels que Henri Fok et Li Ka-shing, ainsi que des célébrités tel que Lin Qingxia et Qi Qin, qui lui valent la réputation d’ « homme dieu », de « maître de Qigong » et de « trésor national chinois ».

        Malgré cela, en 1988, il a été dénoncé par le Comité d'enquête scientifique sur les allégations du paranormal (CSICOP). Le comité a cherché à savoir s'il pouvait réellement faire passer une pilule à travers une bouteille et s'il pouvait réellement lire un message caché. La manifestation s'est déroulée devant 50 personnes, parmi lesquelles de hauts responsables et des scientifiques. Cependant, l'expérience n'était pas sous le contrôle du comité et de nombreuses possibilités de falsification ont été introduites, comme Zhang quittant la pièce sans surveillance 11 fois. Les points scellés des quatre bouteilles se sont révélés brisés même lorsque Zhang a été averti de ne pas le faire. Quand est venu le temps pour Zhang de lire le message dans l'enveloppe scellée et secrètement marquée, il a plié l'enveloppe et l'a remise à l'un des expérimentateurs, et a dit qu'il révélerait le message dans 15 minutes. Il a ensuite quitté la pièce. À sa sortie, Ti Yueli, un artiste illusionniste de Pékin invité par le CSICOP à observer, a révélé que Zhang avait utilisé un tour de passe-passe pour remplacer l'enveloppe par un fac-similé. Cela a été confirmé lorsque l'enveloppe pliée a été examinée et qu'aucune marque n'a été trouvée. Lorsque Zhang est revenu, il a refusé de révéler le message et n'a pas voulu parler davantage de la représentation. Le spectacle a été fimé. Les croyants ont déclaré que la présence du magicien James Randi, co-fondateur du CSICOP, était la raison de l'échec. Ils ont accusé Randi d'utiliser ses propres pouvoirs pour contrecarrer ceux de Zhang.

       Zhang a été davantage dénoncé dans diverses publications d'information taïwanaises au cours des années 1990, certains le qualifiant de « magicien de bas niveau ». En effet, nombre de ses tours peuvent être expliqués par des techniques illusionnistes. Ses prétendues guérisons entraînaient souvent l'apparition dans sa main d'un liquide ou d'une goutte d'une certaine forme qu'il prétendait avoir retiré du corps. Avant un traitement en 1990, il a pris une longue douche dans sa chambre d'hôtel. Ensuite, il a retiré le pus de la lésion d'un patient. Curieusement, après le départ de Zhang, on a observé qu'un nouveau morceau de savon présentait des rayures, et il a été théorisé que le pus était de l'eau et du savon. D'autres compétences pour lesquelles il était célèbre, telles que plier une cuillère, voir de la fumée sortir de ses doigts et reconstituer des cartes déchirées, ont été révélées comme une supercherie courante. Le reste de ses capacités s'expliquait par un tour de passe-passe et parce qu'à chaque fois, il quittait souvent la pièce sans surveillance, il a affirmé que cela était dû au besoin de reconstitution du Qi et à la régulation du corps. Il était également suivi par un entourage de partisans qui distrayaient et confirmaient un tour réussi même s'il ne l'avait pas été.

Une "performance" de Zhang chez lui au cours d'une interview d'une télevision locale.

       Zhang Baosheng est devenu de plus en plus discrédité au cours des années 1990. Le gouvernement réprimant à l’époque ces affirmations farfelues. En 1994, le Comité central du PCC a publié « Plusieurs avis sur le renforcement de la vulgarisation scientifique », qui encourageaient la recherche fondée sur des faits. Par la suite, plusieurs articles discréditant Zhang ont été publiés en Chine. En 1998, tous les tests à l'Institut d'ingénierie aéronautique de COSTIND ont cessé après 16 ans, même s’il avait toujours droit à une place au Centre de recherche spatiale.

       Peu de temps après, le Qigong est devenu associé au Falun Gong. Lorsque le gouvernement chinois a commencé à persécuter le Falun Gong en 1999, il s'est encore moins associé à Zhang, qui a alors essayé de rester hors de la vue du public. Il était encore très riche, très respecté parmi les puissants de Chine, et ses services étaient toujours recherchés. Sa dernière apparition publique remonte à 2002, lors de la cérémonie d'adieu de Wu Shaozu, qui, à un moment donné, gérait au quotidien le budget de recherche militaro-industriel de la Chine et approuvait les recherches sur Zhang.

       Zhang est décédé tôt le matin du 3 août 2018 à Pékin d’une crise cardiaque à l'âge de 58 ans. Dans ses dernières années, il vécut tristement et isolé.

       Fin de l’histoire.

 

« Donc, si une personne d'intelligence supranormale ne comprend pas les raisonnements du Qigong, elle ne vivra pas nécessairement une longue vie et son corps ne sera pas non plus nécessairement en bonne santé. Pourquoi ? Parce que ces personnes n’ont pas absorbé le Qi à l’intérieur ; elles n'y prêtent pas attention, elles n'utilisent pas leur intelligence supranormale pour l’introversion. Dans les Qigong traditionnels, on dit de ceux qui arrivent à avoir l’intelligence supranormale qu’ils ont des  « pouvoirs spirituels ». Ils ont acquis ces « pouvoirs spirituels » parce qu’ils ont commencé par l’introspection, en utilisant leur conscience pour l’introspection. Ainsi ils ont renforcé leurs activités vitales. Mais si on applique toujours la capacité de clairvoyance vers autrui, c’est l’emploi de la conscience à l’extérieur ; et en utilisant l’entièreté, cela consomme beaucoup d’énergie ! Jusqu’à présent, beaucoup m’ont demandé : « Professeur Pang, quand allez-vous nous enseigner la clairvoyance ? Pour que nous puissions l’utiliser pour la guérison ! » Mais ce genre de guérison prendra beaucoup d’énergie ! Bien sûr, ce n’est pas parce que je ne veux pas vous entraîner à cela ; mais ce qui est le plus important, c’est d’acquérir l’intelligence supranormale, et d’apprendre à l’utiliser dans l’introversion ! Quand l’intelligence supranormale est extravertie, c’est encore de l’extériorisation ! Et le Qi est dispersé vers l’extérieur ! » (Pang Ming – in « Théorie du Zhineng Qigong » Tome 2.)

 

       Que penser de ces deux exemples : l’enfant Tang Yu capable de lire avec ses oreilles et le « grand maître » Zhang Baosheng capable de plier des cuillères et de déplacer de petits objets ? Dans un premier temps, l’on peut s’interroger sur l’efficacité de ces performances en vue d’améliorer le bien être individuel et collectif. En quoi la maîtrise et l’usage de telles « capacités » est-il à même de faire évoluer l’humanité vers des niveaux supérieurs ? Pour autant, nous comprenons que l’apparition de tels phénomènes pose question. L’être humain n’utilisant qu’une infime partie de ses pouvoirs, ceux là seuls qui sont strictement nécessaires à sa survie biologique, il n’est pas étonnant que le Qigong chinois se soit approprié de telles manifestations « surnaturelles » comme « pain béni », dans une période où toute référence « religieuse » était condamnable.

     Le fait que de telles manifestations surviennent pendant l’enfance pour ensuite disparaitre n’est pas non plus étonnant. Allons, rappelons-nous ! La lumière tout autour, la sensation de faire partie d’un tout, le cœur prêt à tout accueillir, les yeux grands ouverts, ce n’est pas si loin que cela, quelques décennies tout au plus ! Et pourtant, cela semble inaccessible. Sauf à subir, de temps en temps une piqure de rappel ? Ou bien un grand « chamboulement », plus rarement, certes, mais plus efficace aussi, car adulte, c'est-à-dire « parvenu au terme de sa croissance ». C’est alors que se pose le vrai choix. Celui qui est évoqué dans toutes les traditions. La tentation du Christ dans le désert.  Vais-je ou non succomber à la tentation du démon ? À la tentation du pouvoir. Car comment exercer son pouvoir sans faire naitre l’orgueil ? L’orgueil qui est le plus grand des sept péchés capitaux. Et si le vrai pouvoir résidait dans l’absence de tout désir d’exercer un quelconque pouvoir ? Alors, que cela soit dit, une bonne fois pour toute ! Le vrai Qigong mérite mieux que cela!

Yves Lorand

comme quoi les américains sont bien plus fort que les chinois :)

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